Rédigé par Oanèse et publié depuis
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Je n'ai jamais été une petite fille, c'est mon drame. Je n'ai pas non plus toujours été la plus grande, ma soeur fut la première à me dépasser, ça aurait pu me faire plaisir, mais c'était ma soeur, elle me prenait ma place de grande après m'avoir empêché de couler une vie tranquille de fille unique. La troisième nous talonne.
C'est en classe de cinquième que j'ai commencé à dépasser mes professeurs: j'ai encore présents la silhouette et le visage de ma petite prof d'histoire-géo, très sympathique d'ailleurs. Je me rappelle aussi d'une interro suprise sur l'empire romain où j'avais eu un 19/20, mais là n'est pas le sujet. Le collège représente pour moi de longues années à prier pour que mes jambes raccourcissent et mes cheveux défrisent la nuit. J'avais peu de copines car les "minus" m'impressionnaient avec leurs cheveux lisses et mêchés, leurs vêtements moulants (je n'avais rien à mouler) et leurs histoires de garçons qui leur marchaient sur les pieds pendant les boums, malgré les 30 cm de distance réglementaire que la longueur de leurs bras permettait. J'ai alors découvert la complicité spontanée qui lient entre elles les filles grandes car mes seules amies étaient tout aussi grandes et embarassées que moi. On se moquait bien des minus et des garçons, on parlait d'apprendre le japonais au lycée Balzac pour rester ensemble.
De cette période j'ai retenu plusieurs leçons: si un minus vous fait croire qu'il s'intéresse à vous, vous êtes à la bonne hauteur pour lui coller une baffe. Parce que, deuxième leçon, tout finit par se savoir (en l'occurence, il préfère écouter ses copains qui lui disent que ça se fait pas de sortir avec une plus grande). Troisième leçon: tout vient à point à qui sait attendre (j'ai parfois encore du mal cependant).
Un peu plus tard, j'allais au lycée, et pas avec mes copines car toute la Sagrada Familia déménageait pour la banlieue parisienne. Sans mes grandes copines j'étais désemparée, mais par chance j'en ai trouvé une autre. Les minus ont continué à me, ou plutôt nous, persécuter et les garçons à grandir. Si j'emploie le terme persécuter c'est parce qu'il est justifié. Je ne sais quelle est la raison qui pousse les minus à éviter et isoler les grandes quand en plus elles sont timides. Bref, j'ai eu le coup de grâce quand une minus m'a piqué ma grande copine. Entre temps j'avais quand même rencontré des filles sympas, découvert que les minus étaient complexées par leur taille, et que les homos sont les meilleurs amis des femmes.
Pendant l'été qui a suivi la terminale, une chose incroyable s'est produite: les garçons ont pris 20 cm, 10 kg, et une décharge de testostérone. En regardant droit devant eux, il y avait soit l'horizon, soit moi. Sauf que moi je rougissais, je bafouillais, je terminais par un "bon, ben, je dois aller à la danse, à la piscine, à la maison, tricoter" et je partais en pédalant à fond sur mon vélo.
En école la vie était plus facile, il y avait plus de grand(e)s, les petites étaient devenues sympa et j'ai commencé à utiliser ma taille comme avantage concurrentiel. En Italie j'ai perfectionné cette stratégie et j'ai vu qu'elle marchait auprès des grands et des moins grands. Voire mieux auprès des moins grands quand ils nous voient non comme une menace mais comme une valorisation de leur virilité. Il n'en reste pas moins que je préfère les grands et ça m'énerve que les petites me les piquent.
Aujourd'hui je n'échangerais mes centimètres contre rien au monde: grâce à eux je respire mieux dans le métro, je vois mieux aux concerts, je ne raccourcis pas mes jeans de la mort qui tue, et j'attrape le dernier pull en solde sur les étagères.